CHANGEMENT D’ÈRE !
Depuis une vingtaine d’années, c’est-à-dire une génération, les taux d’intérêt baissaient au point d’atteindre des niveaux historiquement bas. Même si les emprunteurs s’en réjouissaient, ces taux étaient anormaux tant d’un point de vue financier que qu’économique. Ils étaient l’expression d’une déflation larvée que les banques centrales tentaient, avec plus ou moins de succès, d’endiguer. Ils conduisaient à des bulles spéculatives déphasées de l’économie réelle. L’idée d’en finir avec les taux bas était évoquée depuis la fin de la phase dure de l’épidémie. Avec la guerre en Ukraine, ce souhait est devenu une impérieuse nécessité.
L’inflation, toujours
En quelques mois, nous sommes passés d’un climat déflationniste à un climat inflationniste. En économie, les demi-saisons ne sont pas de mise. Pour éviter un emballement des prix, les banques centrales se sont engagées dans des programmes de relèvement de leurs taux directeurs. L’objectif est de freiner la hausse des prix en jouant sur la demande. Force est de constater que la Banque centrale européenne use avec beaucoup de sagesse de l’arme des taux. Avec une inflation de 9% en zone euro et qui dépasse même les 25% au sein des Pays Baltes, la BCE serait en droit de porter ses taux à 5, 6 voire 7% en retenant les principes de l’économie classique. Pour avoir un réel effet sur le comportement des décideurs économiques, les taux d’intérêt réels sont censés être, en période inflationniste, positifs de plusieurs points, or pour le moment ils sont nettement négatifs. Pour ceux dont les revenus suivent l’inflation, l’argent coûte moins cher aujourd’hui qu’hier malgré la hausse des taux. La Banque centrale européenne agit de la sorte pour plusieurs raisons. Premièrement, elle considère que l’inflation est en grande partie d’origine importée. Quand les prix de l’énergie et des matières premières diminueront, elle devrait reculer. Il est de ce fait inutile de relever les taux d’intérêt. Deuxièmement, une forte augmentation des taux provoquerait une grave récession pouvant mettre sous tension la zone euro qui sort, tout juste, de la récession liée à l’épidémie. Troisièmement, une forte hausse des taux risquerait d’engendrer une crise des dettes publiques et une fragmentation de la zone euro. Face à ces menaces, la BCE préfère laisser filer un peu les prix en espérant un retour au calme d’ici le milieu de l’année prochaine.
Une récession à venir…
Malgré l’usage modéré en Europe de l’arme des taux, une récession est annoncée en Europe. Elle serait avant tout la conséquence de l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières. Les fermetures d’usines du fait de coûts de production prohibitifs pourraient réduire la production au sein de la zone et avoir des effets dominos dommageables pour la croissance. Les menaces de pénurie pèsent également sur le climat de confiance et tempèrent les ardeurs des consommateurs. Pour autant, des indicateurs restent au vert. Jamais les Français ne sont partis aussi nombreux en vacances. Les touristes étrangers sont également de retour. Les trains comme les avions ont battu des records de fréquentation. La France comptait, fin juin 2022, un million d’emplois de plus qu’à la fin 2019. De nombreuses entreprises éprouvent les pires difficultés à recruter. Malgré l’inflation, les Français maintiennent un effort important d’épargner. Ils ont placé plus de 23 milliards d’euros depuis le début de l’année sur leurs Livrets A. Les investissements des entreprises restent soutenus sur fond de digitalisation et de transition énergétique. La croissance des crédits aux entreprises demeure élevé. Au mois d’août, en rythme annuel, elle dépassait 7%. Aucune décélération n’est constatée depuis le début de l’année malgré la hausse des taux.
…avant une profonde mutation ?
La succession rapide des crises bouscule les repères. La communication en temps réel avec son lot de fake news rend la prise de recul plus complexe. Les décideurs économiques doivent tout à la fois se nourrir de cette abondance d’information et savoir y échapper pour éviter l’immobilisme. En période d’inflation, le jeu économique est, sans nul doute, plus complexe mais il est également plus mobile. Il exige de l’agilité et de l’anticipation. Les périodes qui ont suivi les grande épidémies n’ont jamais été simples dans l’histoire de l’humanité mais elles ont toutes ou presque débouché sur de profondes mutations. La Renaissance après la Grande Peste, l’essor de l’industrie en France après l’épidémie de choléra en 1832, la taylorisation après la grippe espagnole…
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