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L’origine de l’inflation – L’édito de Philippe Crevel

L’ORIGINE DE L’INFLATION

L’inflation naît du déséquilibre entre offre et demande. Pour se propager, elle a besoin d’un terreau qui s’appelle liquidités. Ce fut le cas en Espagne avec l’or des Amériques, en France, durant la Révolution, avec la multiplication des assignats ou encore en Allemagne, entre 1921 et 1924. L’inflation est un phénomène de nature avant tout monétaire. L’augmentation de la masse monétaire en circulation, en lien avec les rachats d’obligations effectués depuis de nombreuses années par les banques centrales, constitue donc un substrat idéal pour nourrir l’inflation provoquée par des chocs d’offre en cascade. L’épidémie de COVID, avec l’arrêt notamment en Chine de nombreuses usines, a provoqué des pénuries de biens intermédiaires dont les microprocesseurs, indispensables pour la fabrication de la quasi-totalité des biens manufacturiers. Elle a désorganisé les chaînes de valeurs et les circuits de distribution. Les conteneurs ne sont pas au bon endroit au bon moment entraînant des goulets d’étranglement dans les grands ports internationaux. La guerre en Ukraine a, de son côté, provoqué des tensions inconnues depuis les années 1980 sur trois marchés majeurs que sont l’énergie, les matières premières et les produits agricoles avec, à la clef de fortes hausses des cours. En Europe, l’inflation est essentiellement due à la crise ukrainienne quand, aux États-Unis, elle trouve également sa source dans les multiples plans de relance engagés par les pouvoirs publics. Ces plans ont dopé la demande au point que l’offre n’arrive plus à suivre.

Par leur simultanéité et leur importance, les chocs d’offre se transmettent progressivement à l’ensemble de la sphère productive. Les banques centrales ont, après la crise sanitaire, espéré que l’inflation serait temporaire et limitée. Elles ont privilégié la croissance et l’emploi en laissant dériver les prix. Les chocs pluriels de la guerre en Ukraine, en accentuant les tensions inflationnistes, les ont placées face à un dilemme : lutter contre la résurgence d’une spirale inflationniste ou casser la croissance avec, à la clef, un risque d’ insolvabilité pour les États endettés. Un relèvement rapide des taux peut conduire à une récession sachant qu’il aura peu d’effets sur la hausse des prix des produits importés. Mais, en laissant filer les prix, les banques centrales courent le risque de créer une spirale inflationniste génératrice d’une stagflation telle que nous l’avons connue dans les années 1970.

La riposte graduée

L’inflation est une fois lancée difficile à arrêter d’où l’inquiétude croissante des banquiers centraux. Avec une inflation qui dépasse 8 % de part et d’autre de l’Atlantique, la crainte d’une transmission de l’inflation sur les salaires conduit toutes les banques centrales à mettre un terme à leur politique monétaire expansive. Depuis près de sept ans, elles utilisaient des outils peu orthodoxes pour favoriser l’inflation. Elles effectuaient des rachats d’obligations essentiellement publiques et avaient abaissé, à des niveaux historiquement bas, leurs taux directeurs afin d’inciter les banques à prêter de l’argent aux agents économiques. Pour le moment, la riposte est graduée. Les banques centrales mettent un terme à leurs rachats et prévoient des programmes de relèvement de leurs taux. Ces derniers restent, pour autant, nettement inférieurs à l’inflation. L’action des banques centrales vise à réduire les prêts, à freiner l’investissement et la consommation afin de rétablir un équilibre sur les différents marchés. Un ralentissement de la croissance est donc incontournable. Les pouvoirs publics passent ainsi, en quelques mois, de la relance au refroidissement. Les taux des prêts aux entreprises et aux particuliers ont commencé à augmenter mais moins rapidement que l’inflation. Cette situation est favorable aux emprunteurs dont les revenus suivent les prix. Le montant du capital à rembourser s’érode tout comme le montant des intérêts à acquitter par rapport au niveau du revenu ou du chiffre d’affaires.

Price maker vs price taker

En période d’inflation, la capacité à être <em>« price maker »</em> et non <em>« price taker »</em> est déterminante. La montée en gamme constitue un des meilleurs moyens pour figurer dans la première catégorie, tout comme la réalisation de gains de productivité. Investir est gagnant. L’objectif est de conserver ses marges, voire de les accroître malgré l’augmentation des coûts de production. Avec les pertes de pouvoir d’achat subies par les ménages du fait de la hausse des prix, la consommation est orientée à la baisse d’autant plus que le taux d’épargne reste, en zone euro élevé. Face à cette baisse, les entreprises doivent tenter de privilégier le qualitatif.

Résilience et croissance

Les entreprises, depuis une dizaine d’années, font preuve de résilience face à la succession de crises (subprimes, dettes souveraines, crise sanitaire et guerre en Ukraine). Elles sont en meilleure santé financière aujourd’hui qu’en 1980. Malgré un contexte difficile, elles continuent à investir. Les nombreux défis à relever, transition énergétique, digitalisation, vieillissement de la population avec à la clef des problèmes de recrutement, les obligent à innover, à revoir leurs modes de production et de management. Ces défis sont des sources de ruptures mais aussi de croissance.

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