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Ne pas être surpris d’être surpris ! – L’édito de Philippe Crevel

NE PAS ÊTRE SURPRIS D’ÊTRE SURPRIS !

Dans une scène culte du film de Claude Lelouch, « Itinéraire d’un enfant gâté », Jean-Paul Belmondo apprend à Richard Anconina à ne jamais avoir l’air étonné afin de réussir dans les affaires. Aujourd’hui, au nom du principe du « buzz » ou du « rebond » sur la toile – sources de recettes publicitaires – les producteurs d’informations et surtout de fausses informations n’ont d’autre objectif que de nous surprendre voire de se jouer de notre naïveté et de nos peurs. Difficile, dans ces conditions, de séparer le bon grain de l’ivraie. 2023 ne devrait être, en la matière, guère différente de 2022. Cela ne nous interdit pas de faire preuve de discernement.

De tout temps, l’économie n’a jamais été un long fleuve tranquille. Les chocs, les mutations technologiques et malheureusement les faillites sont son lot commun. En trois ans, nous avons été confrontés à deux crises majeures, une épidémie d’ampleur inconnue depuis 100 ans et une guerre en Europe, la première depuis 1945 concernant deux grands pays. Ces ruptures interviennent dans un contexte unique, de transition énergétique et de vieillissement démographique qui modifient de nombreux paramètres.
Face à l’accumulation de mauvaises nouvelles, nous sommes nombreux à estimer qu’hier était meilleur qu’aujourd’hui, quitte à oublier les vicissitudes du passé. Souvenons-nous que les Trente Glorieuses n’ont pas été exemptes, notamment en France, de soubresauts plus ou moins violents, des grandes grèves de 1947 provoquées par l’hyperinflation au fameux mois de mai 1968 en passant par le conflit social dans les mines de 1963. Plus proche de nous, la France a failli manquer de pétrole lors du premier choc pétrolier. Un an plus tard, la population s’est ruée dans les magasins par peur d’une grande pénurie de sucre. Le 19 décembre 1978 pendant quatre heures, sur tout le territoire, l’électricité fut coupée. Contrairement au ressenti parfois trompeur, le pouvoir d’achat des ménages était, en 2022, deux fois supérieur à celui des années 1980. En prenant en compte l’inflation et l’évolution du niveau de vie, le prix de l’essence est en 2023 moins élevé qu’après le second choc pétrolier.

Malgré l’usage modéré en Europe de l’arme des taux, une récession est annoncée en Europe. Elle serait avant tout la conséquence  de l’augmentation des prix de l’énergie et des matières premières. Les fermetures d’usines du fait de coûts de production prohibitifs pourraient réduire la production au sein de la zone et avoir des effets dominos dommageables pour la croissance. Les menaces de pénurie pèsent également sur le climat de confiance et tempèrent les ardeurs des consommateurs. Pour autant, des indicateurs restent au vert. Jamais les Français ne sont partis aussi nombreux en vacances. Les touristes étrangers sont également de retour. Les trains comme les avions ont battu des records de fréquentation. La France comptait, fin juin 2022, un million d’emplois de plus qu’à la fin 2019. De nombreuses entreprises éprouvent les pires difficultés à recruter. Malgré l’inflation, les Français maintiennent un effort important d’épargner. Ils  ont placé plus de 23 milliards d’euros depuis le début de l’année sur leurs Livrets A. Les investissements des entreprises restent soutenus sur fond de digitalisation et de transition énergétique. La croissance des crédits aux entreprises demeure élevé. Au mois d’août, en rythme annuel, elle dépassait 7 %. Aucune décélération n’est constatée depuis le début de l’année malgré la hausse des taux. Rappelons-nous qu’au début des années 1990, les taux d’intérêt avaient atteint plus de 10 % provoquant un krach immobilier. La hausse des taux qui s’est amorcée en 2022 est vécue comme un drame mais c’est oublier que leur niveau, ces dernières années, était anormal. Il était le produit des politiques monétaires non conventionnelles mises en œuvre pour sauver l’économie mondiale de la déflation. Si la hausse des taux est durement ressentie par les emprunteurs, elle demeure faible au regard de l’inflation. Les taux d’intérêt réels demeurent, en ce mois de janvier, négatifs de plusieurs points, un phénomène sans précédent depuis les années 1980. Cette situation facilite le financement des investissements disposant de bonnes perspectives de rentabilité. Les taux devraient se stabiliser durant l’année 2023 mais les investisseurs doivent intégrer le fait qu’ils ne retrouveront certainement pas leur niveau de 2020. Plusieurs facteurs contribuent à leur hausse sur longue période. La transition énergétique en nécessitant d’importants investissements devrait conduire à des hausses de prix pour l’énergie. Le vieillissement de la population en réduisant le nombre d’actifs est également une source d’inflation. Le retour de la hausse des prix dans la cible des 2 % retenue par les banques centrales ne sera pas facile à réaliser.

« Néanmoins, l’inflation, sauf accident, reculera à partir de la fin du premier semestre tout en restant sur l’année autour de 5 % »

La hausse des taux d’intérêt devrait peser sur l’activité économique au cours du premier semestre. Compte tenu de l’évolution du pouvoir d’achat des ménages et des niveaux de trésorerie des entreprises, le risque d’une  récession forte et durable est pour le moment écarté. L’effritement des marges des sociétés constaté depuis un an avec l’augmentation des coûts devrait s’estomper même si une incertitude existe en ce qui concerne la progression des salaires. Les besoins d’investissement des entreprises demeurent, en revanche, importants notamment dans le domaine du numérique. La France et plus globalement l’Europe n’ont que partiellement rattrapé leur retard dans ce domaine, par rapport aux États-Unis. Dans les prochaines années, un effort conséquent sera, par ailleurs, nécessaire en matière de décarbonation avec, à la clef, des opportunités de croissance.

Inflation, digitalisation, transition énergétique ouvrent la porte d’une mutation économique qui suppose des capacités d’adaptabilité, d’agilité et de mobilité de la part de tous les acteurs économiques. Elle interdit la résignation et toute inclinaison au pessimisme. Comme l’a écrit Pascal Bruckner dans son dernier essai, le sacre de la pantoufle, « ce qui nous rend fort n’est pas la fuite mais la confrontation avec l’adversité ».

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