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L’inflation, la belle endormie, se réveillera-t-elle ? – L’édito de Philippe Crevel

L’INFLATION, LA BELLE ENDORMIE, SE RÉVEILLERA-T-ELLE ?

Depuis une trentaine d’années, les entreprises évoluaient dans un environnement de faible inflation. Les rares pics de hausses des prix, étaient essentiellement dus à l’augmentation du cours des matières premières et de l’énergie. Depuis quelques semaines, des craintes d’un retour de l’inflation se font jour au point de créer quelques turbulences sur les marchés financiers

La belle endormie

Si dans les années 1970 et 1980 les banques centrales se battaient contre l’inflation, depuis la crise des subprimes en 2008, elles cherchent au contraire à éviter la déflation. Plusieurs facteurs ont contribué, ces dernières années, à la faiblesse de l’inflation. Au niveau des produits industriels, la concurrence des pays émergents pèse sur les prix. Internet a, par ailleurs, joué un rôle non négligeable avec l’essor en particulier du e-commerce et en facilitant la rencontre de l’offre et de la demande. La tertiarisation des activités, avec le recul de l’industrie au sein des pays occidentaux, s’accompagne d’une diminution du poids des syndicats pour les négociations salariales. Le maintien d’un fort sous-emploi dans de nombreux pays également déflationniste, tout comme le développement du travail indépendant en lien avec l’uberisation de l’économie.

Pouvons-nous changer d’environnement de prix et renouer avec l’inflation ?

L’épidémie a été en 2020 déflationniste avec la chute de la demande mondialeLes prix des biens ont baissé parfois dans des proportions inconnues comme pour le pétrole. Après la déflation, pouvons-nous connaître l’inflation. L’épidémie a conduit les États à s’endetter à grande vitesse. La dette publique française est ainsi passée de 98 à 116% du PIB en un an. Les entreprises ont été contraintes de faire de même pour faire face aux effets des confinements. Les banques centrales ont été ainsi amenées à monétiser une grande partie de cette dette afin d’éviter tout problème de solvabilité. Ces montagnes de liquidités sont des sources potentielles d’inflation.

En sortie de crise, le retour à la normale provoque un rebond rapide de la consommation d’autant plus que les ménages se sont constitués, de manière contrainte, des cagnottes. En outre, pour accélérer la reprise, les gouvernements lancent de vastes plans de relance. Aux États-Unis, le plan de Joe Biden s’élève à 1900 milliards d’euros auquel s’ajoute un plan destiné aux seuls investissements. L’Union européenne a prévu, de son côté, un plan de 750 milliards d’euros qui complètent ceux engagés dans chacun des États membres. Ces plans aboutissent à une augmentation de la demande mondiale quand, au même moment, l’offre doit faire face à des goulets d’étranglement. Les chaînes de production qui sont désormais éclatées sur l’ensemble de la planète ont été désorganisées par plus d’un an épidémie. Par ailleurs, la crise sanitaire a attisé la demande pour certains produits (microprocesseurs, bois pour les logements, etc.) conduisant à des pénuries. La volonté des États d’accélérer la transition énergétique accroît la demande pour les métaux rares indispensables pour les batteries, les éoliennes ou les panneaux solaires. Enfin, les États souhaitent relocaliser certaines productions dites sensibles, ce qui, logiquement, devrait se traduire par des hausses de prix.

Un retour temporaire de l’inflation ?

Certaines données statistiques semblent donner raisons aux experts qui prédisent le retour de l’inflation. Aux États-Unis, où l’activité est repartie plus vite qu’en Europe. L’inflation a atteint, Outre-Atlantique, les 5% en mai. Ce retour pourrait être néanmoins que temporaire, le temps que les ajustements se réalisent. Par ailleurs, au sein de la zone euro, l’inflation demeure pour le moment limitée. (1,8% toujours en mai).

Si elle vient néanmoins à s’installer durablement, les acteurs économiques devront s’adapter. Les entrepreneurs devront apprendre à gérer un risque prix plus important que dans le passé, en suivant avec attention l’évolution de leurs coûts et de leur prix de vente. Les emprunteurs seraient gagnants, à la condition de pouvoir répercuter l’inflation sur leurs prix de vente.  Elle érode alors le montant du capital à rembourser. Dans un tel contexte, l’endettement à taux fixe est à privilégier.

Maîtriser l’inflation ?

Le problème avec l’inflation, c’est que les pouvoirs publics arrivent rarement à la maîtriser totalement. Elle est soit trop faible, soit trop forte. Quand elle s’emballe, il est difficile de l’arrêter sauf à courir le risque de casser nette la croissance à travers une forte hausse des taux d’intérêt. Du fait du surendettement actuel des États, cette voie serait hasardeuse. Il y a de fait un réel compromis pour espérer une inflation se situant entre 2 et 4% afin de faciliter le remboursement des dettes sans pour autant provoquer de réels déséquilibres économiques et financiers. Les banques centrales ont décidé de se laisser un peu de marges avant d’intervenir. Elles retiennent désormais un objectif de 2% non pas en temps réel mais sur des périodes longues, un ou deux ans par exemple.

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