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L’endettement des entreprises, de quoi parlons-nous ? – L’édito de Philippe Crevel

ENDETTEMENT DES ENTREPRISES, DE QUOI PARLONS-NOUS ?

Depuis le début de la crise sanitaire, la montée de l’endettement, qu’il soit public ou privé, est un sujet d’inquiétudes et de débats. Les acteurs économiques, entreprises ménages, collectivités publiques, sont tout à la fois appelés à recourir à l’emprunt et à la prudence financière au point de devenir schizophrènes.

Pour relancer le pays après le recul historique du PIB en 2020 et pour assurer sa nécessaire modernisation, il n’en demeure pas moins que l’emprunt est incontournable, sous réserve qu’il soit une source de création de richesses. Depuis la fin du XVIIIe siècle, la croissance est intimement lié à l’essor du crédit et du système bancaire. Le crédit fait l’investissement qui fait l’emploi de demain et les bénéfices d’après-demain pour plagier l’ancien Chancelier allemand Helmut Schmidt.

Quelle est la situation des entreprises françaises au début de l’année 2021 ?

En 2020, la dette brute des entreprises a, selon la Banque de France, progressé, dans un contexte exceptionnel, de 136 milliards d’euros notamment en lien avec la montée en puissance des prêts garantis par l’État. Elle a, à la fin de l’année dernière, atteint 1 120 milliards d’euros, en hausse de 12 % en un an. Elle représentait alors 86 % du PIB français, contre 60 % en 2010. La progression de l’encours des crédits affectés à l’investissement a été de 43 milliards d’euros quand celle des crédits de trésorerie s’est élevée à 89 milliards d’euros. 72 % de l’encours des dettes des entreprises françaises sont constitués de crédits à l’investissement (806 milliards d’euros, contre 307 pour les crédits de trésorerie). Si ces chiffres peuvent, à première vue, apparaître élevés, en prenant en compte non pas la dette brute mais la dette nette – qui intègre les actifs dont disposent les entreprises – la situation est bien différente. Ainsi, en 2020, la dette nette des entreprises n’a enregistré qu’une progression de 17 milliards d’euros, soit une hausse de 0,8 %. Cette faible augmentation est la conséquence du gonflement des trésoreries. Les entreprises se sont endettées mais ont conservé les sommes obtenues en liquidités. Ces dernières ont atteint, en 2020, des niveaux records en dépassant, plus de 800 milliards d’euros, soit quatre fois plus qu’en 2008. Le critère de la dette nette est plus conforme à la réalité financière des entreprises. Par ailleurs, l’endettement des entreprises ne peut pas être assimilé à celui des administrations publiques qui atteint 116 % du PIB, ni à celui des ménages qui s’élève à 67 % du PIB. Les entreprises recourent, en grande partie, au crédit pour financer des investissements dont les produits permettront de le rembourser. Les ménages s’endettent essentiellement pour acquérir leur résidence principale. Si cette dernière ne génère pas en soi des gains même si elle permet d’économiser à terme. Pour l’Etat, une part non négligeable des ressources empruntées finance des dépenses de fonctionnement. Quand les emprunts permettent de couvrir le coût d’investissements comme la réalisation de stades ou d’écoles, le retour est dilué dans le temps et n’est qu’indirect.

En termes financiers, le recours au crédit apparaît, pour les entreprises, légitime quand évidemment l’analyse de risques est réalisée de manière professionnelle. Ces dernières années, les marges de financement des entreprises se sont accrues avec la baisse des taux d’intérêt. Au mois de janvier de cette année, le coût moyen du financement des entreprises était, selon la Banque de France, de 1,0 %, niveau historiquement bas. La baisse des taux a réduit la charge de la dette, le versement des intérêts versés, qui est passée en dix ans de 6 à 2,5 % du PIB.

Combattre toute augmentation importante des taux

Depuis quelques semaines, une remontée des taux est annoncée Si avec le retour progressif à la normale qui s’accompagnera d’une augmentation des prix plus soutenue liée notamment au plan de relance américain, celle-ci est probable, sachant qu’ils sont actuellement à un niveau historiquement bas. Leur progression devrait être néanmoins mesurée. Le 25 février dernier, Christine Lagarde, la Présidente de la Banque centrale européenne (BCE), a, en effet souligné qu’elle combattra toute augmentation importante des taux réels qui pourrait compromettre la reprise économique de l’Union européenne. La BCE veillera « à ce qu’il n’y ait pas de durcissement injustifié des conditions de financement. Une augmentation trop brutale des taux d’intérêt réels – ou ajusté de l’inflation – en raison de l’amélioration des perspectives de croissance mondiale pourrait compromettre la reprise économique. C’est pourquoi nous suivons de près l’évolution des marchés financiers ». le haut niveau d’endettement des États conduit la Banque centrale à opter pour une période longue de taux relativement faible. Compte tenu des coûts réduits de financement, selon l’INSEE, les responsables d’entreprise entendent en profiter afin de réaliser des investissements en 2021. La digitalisation des activités est actuellement un des principaux moteurs de l’investissement en France. Cette appétence de l’investissement repose également sur l’espoir que la reprise de l’activité intervienne au cours du second semestre de cette année.

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