Le Premier ministre, François Bayrou, a annoncé, le 15 juillet dernier, son intention de supprimer deux jours de congés, considérant que l’augmentation de la production est une impérieuse nécessité. Les Français y ont vu une atteinte à leurs droits aux congés et aux loisirs. Porter atteinte au droit au repos, dans un pays qui a sacralisé ce principe, est audacieux. Le Premier ministre semble avoir oublié que le tourisme, secteur lucratif, s’est développé à partir de 1936 avec la semaine de 40 heures et les congés payés. Les 35 heures lui ont donné un nouveau coup de fouet au début des années 2000. Le tourisme représente 5 % du PIB de la France et emploie, directement et indirectement, plus de 4 millions de personnes. Dans le même temps, ce secteur souffre d’une pénurie de main-d’œuvre : de nombreux établissements ne peuvent pas répondre à la demande, faute de salariés. La France n’arrive pas à exploiter pleinement son potentiel touristique en raison de ce déficit de bras et de cerveaux.
Les Français ne travailleraient-ils pas assez ? Il est certain que le pays souffre d’un déficit d’emploi au regard de sa population en âge de travailler. Le taux d’emploi y est de 69 %, contre 78 % en Allemagne et dans les pays d’Europe du Nord. Cette situation, bien que structurelle, tend à s’améliorer depuis quelques années. Le taux d’emploi reste particulièrement faible chez les jeunes et les seniors. Le taux de chômage des moins de 25 ans est deux fois plus élevé en France qu’en Allemagne. Après 60 ans, le nombre de personnes en emploi chute rapidement : seuls 42 % des 60–64 ans travaillent en France, contre plus de 65 % en Allemagne. Si la France affichait le même taux d’emploi que son voisin d’outre-Rhin, toutes choses égales par ailleurs, elle n’aurait pas de problème de finances publiques.
TRAVAILLE-T-ON VRAIMENT MOINS QUE NOS VOISINS ?
Certains avancent que les Français travailleraient peu en raison d’un nombre élevé de congés et de jours fériés. Ils bénéficient en moyenne de 25 jours de congés payés et de 11 jours fériés, auxquels s’ajoutent les jours de congés supplémentaires issus des conventions collectives ou des accords d’entreprise, ainsi que les jours liés à la réduction du temps de travail (RTT). En Allemagne, le total oscille entre 30 et 32 jours. En revanche, en Espagne ou en Suède, le nombre est proche de celui de la France.
On avance également que les Français travaillent peu d’heures par an. En 2024, le nombre effectif d’heures travaillées pour un salarié à temps plein était de 1 491 heures en France (source : OCDE), contre 1 634 en Espagne ou 1 796 aux États-Unis. Il n’était que de 1 331 heures en Allemagne. Toutefois, le volume d’heures travaillées ne dit pas tout : il faut le coupler à la productivité. Pendant longtemps, la France pouvait s’enorgueillir d’un niveau de productivité horaire élevé. Depuis 2017, celle-ci tend à stagner, voire à décliner. Ce ralentissement s’explique par la tertiarisation de l’économie.
La multiplication des arrêts maladie est également évoquée comme un frein au travail. Pourtant, la France n’est pas en tête du classement européen. Selon l’OCDE, ce sont les Allemands qui détiennent ce record avec 24,9 jours d’arrêt par an en 2022, suivis par la Lettonie (20,4 jours) et la République tchèque (19 jours). En France, le nombre moyen de jours d’arrêt maladie s’élève à 19,2 dans la fonction publique et à 16,1 dans le secteur privé.
La question n’est donc pas de travailler plus, mais de mieux mobiliser le travail. Le défi français n’est pas tant le nombre d’heures ou de congés, que l’incapacité chronique à faire converger emploi et compétences, à prolonger les carrières sans les subir, et à intégrer pleinement les jeunes dans le monde du travail.
Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite.
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