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L’avenir peut-il être mis dans une bouteille ? – L’édito de Philippe Crevel

Dans le passé, de nombreuses crises sont survenues en octobre. Ce fut le cas en particulier des krachs boursiers de 1929 et de 1987. La « malédiction » du mois d’octobre est liée à la proximité de la fin de l’année : les analystes et investisseurs établissent un premier bilan de l’année et se projettent sur celle à venir. Le raccourcissement des jours et l’arrivée des premiers frimas sont, par ailleurs, des sources de morosité. Cependant, le rythme des saisons n’explique pas tout. Le mois d’août est tout aussi redoutable. Les prémices de grandes crises se sont manifestées durant ce mois, comme en 2008 avec la crise financière ou en 1997 avec la crise asiatique. 2024 a failli honorer cette tradition. En effet, au début du mois d’août, des économistes et analystes des marchés financiers ont estimé que la première puissance économique mondiale, les États-Unis, était à l’aube d’une récession, une prédiction qui a provoqué une chute rapide des indices boursiers. Depuis, les investisseurs ont adopté des analyses moins pessimistes, permettant une remontée des cours. Il n’en demeure pas moins que les fluctuations boursières de ces dernières semaines soulignent que les prévisions économiques à trois, six, douze ou vingt-quatre mois relèvent souvent de l’art divinatoire, même si les économistes utilisent des modèles de plus en plus sophistiqués. Il ne faut pas oublier que les prévisions sont réalisées « toutes choses étant égales par ailleurs », en prenant en compte les données du passé et en extrapolant des tendances. Le problème est que la vie économique est pleine d’aléas. « Prévoir est un art difficile, surtout en ce qui concerne l’avenir », disait Pierre Dac. Sur ce sujet, la lauréate du prix Nobel d’économie Esther Duflo a calculé que les marges d’erreur atteignaient près de trois points de PIB sur deux ans concernant les prévisions de croissance établies par le Fonds Monétaire International. Elle n’hésite pas à dire que « le monde est si incertain et si compliqué, que ce que les économistes ont de plus précieux à partager n’est pas leur conclusion mais le chemin qu’ils empruntent pour y parvenir ». Selon elle, l’économiste serait non pas un physicien ou un mathématicien, mais un plombier essayant de trouver une solution face à des fuites d’eau dont les origines sont parfois inconnues. Ces dernières années, les erreurs de prévision sont légion car les aléas ont tendance à se multiplier. En 2008, peu d’économistes avaient pronostiqué la crise des subprimes, la plus importante depuis 1929. De même, la crise des dettes souveraines en Europe n’avait pas été anticipée. Les statistiques faussées de la Grèce avaient alors créé un voile empêchant de percevoir les défaillances de l’économie de ce pays. Ni l’épidémie de Covid ni la guerre en Ukraine en 2022, malgré certains signaux annonciateurs, n’ont été anticipées.

UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE MARQUÉ PAR LA PRUDENCE ET L’INCERTITUDE

Malgré la faillibilité des prévisions, celles-ci sont indispensables pour l’élaboration des projets de loi de finances, pour la détermination des volumes des emprunts des banques, pour la planification des investissements des entreprises, voire pour l’achat de logements par les particuliers. L’annonce d’une faible croissance est susceptible d’être autoréalisatrice, ce qui incite souvent les pouvoirs publics à opter pour un optimisme parfois sans raison. Il leur est, en outre, plus facile de bâtir un projet de loi de finances avec une croissance élevée.

En cette fin d’été, de nombreux indicateurs américains et mondiaux témoignent non pas d’un ralentissement mais d’une accélération de la croissance. L’inflation est en baisse dans de nombreux États. Après avoir atteint 10 % fin 2022, elle se rapproche de la cible des 2 %. Les banques centrales, les unes après les autres, abaissent leurs taux directeurs. La France a bénéficié d’un indéniable effet « Jeux Olympiques » qui lui permettra, cette année, d’atteindre une croissance supérieure à 1 %.

Philippe CREVEL

Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite.

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