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« Économie de guerre, vous avez dit économie de guerre ! » – L’édito de Philippe Crevel

En 2020, il y a cinq ans, le Président de la République a eu recours, lors d’une intervention télévisée, à la formule d’« économie de guerre » afin de préparer la population au choc occasionné par l’épidémie de covid. Depuis, cette expression n’a plus quitté le vocabulaire politique . La guerre en Ukraine, en 2022, puis le changement de cap des États-Unis avec le retour de Donald Trump au pouvoir, lui ont redonné son sens quasi originel : celui de la mobilisation du pays pour assurer sa défense. D’un côté, la menace russe se fait plus prégnante ; de l’autre, le parapluie américain semble de moins en moins imperméable.

Avec le réarmement, l’économie de guerre ne relève plus du seul champ lexical de la rhétorique et tend à s’imposer comme une réalité, même si l’usage de la formule n’est pas sans de multiples connotations. La France, comme les autres États européens, ne sont pas — il faut quand même le rappeler — en guerre. Aucune mobilisation générale n’a été annoncée, aucune réquisition n’a été réalisée, aucune liberté n’a été remise en cause. L’ « économie de guerre » version 2025 se limite avant tout à une augmentation de l’effort de défense faisant suite au long processus de désarmement engagé après la chute du Mur de Berlin en 1989 et de l’URSS en 1991.

Au-delà des gesticulations diplomatiques, en quoi le concept « d’économie de guerre » concerne-t-il, au quotidien, les entreprises françaises ?

Le premier point est évidemment d’ordre énergétique. La persistance des tensions avec la Russie se traduit par le maintien de prix élevés pour l’énergie, et en premier lieu pour le gaz. Les Européens achètent désormais leur gaz deux fois plus cher que les Américains. Le prix de l’électricité demeure élevé. Ce problème a, en partie, provoqué le limogeage de Luc Rémont, le président-directeur général d’Électricité de France. La production industrielle française est handicapée, depuis trois ans, par le coût élevé de l’énergie.

Le deuxième point est d’ordre financier. Le réarmement, au niveau européen, est synonyme de hausse des dépenses militaires. Les États sont, de ce fait, contraints de s’endetter davantage, ce qui occasionne une augmentation des taux d’intérêt à long terme. Les besoins de financement accrus des administrations publiques risquent de mettre à mal la baisse des taux engagée, depuis le milieu de l’année 2024, par la Banque centrale européenne. Des crédits plus chers pourraient peser sur l’investissement des entreprises. La mobilisation de l’épargne en faveur de la défense peut, en outre, avoir plusieurs conséquences induites. Elle peut générer un effet d’éviction : l’épargne placée dans la défense pourrait se faire au détriment d’autres activités qui pouvaient en bénéficier jusqu’à présent. L’industrie militaire, afin de créer de nouvelles chaînes de production, devra investir massivement. L’effort d’épargne n’étant pas sans limite, les autres secteurs d’activité pourraient avoir plus difficilement accès aux crédits ou aux capitaux en fonds propres.

Réindustrialisation et économie de guerre : la France en reconquête

L’augmentation des dépenses militaires — 100 milliards d’euros d’ici 2030, contre 50,5 milliards en 2025 — est susceptible de relancer l’activité industrielle. Les grands groupes comme Thales, Dassault ou Naval Group, ainsi que les nombreuses PME sous-traitantes, bénéficieront, grâce aux commandes publiques, d’une visibilité accrue. Les effets d’entraînement sur d’autres secteurs sont nombreux. Les dépenses militaires pourraient jouer un rôle de catalyseur en matière d’innovations, comme c’est le cas aux États-Unis. Depuis des années, la réindustrialisation du pays est une aspiration à la mode, mais celle-ci était, jusqu’à présent, restée lettre morte. Avec l’impératif de défense, elle peut enfin prendre forme.

L’ « économie de guerre » pourrait redéfinir les priorités stratégiques des entreprises, qui doivent être encore plus résilientes qu’auparavant. Les stocks, honnis ces dernières années, retrouvent un regain d’intérêt. La diversification géographique des fournisseurs, la constitution de filières locales redeviennent des priorités. La gestion des risques intègre désormais les menaces géopolitiques, la dépendance énergétique, la cybersécurité, voire les enjeux de défense civile. Cette transformation économique s’inscrit dans un contexte où les autres transitions — écologique, numérique, démographique — restent pleinement d’actualité. Certes, la transition écologique semble être une victime collatérale des tensions géopolitiques, mais la lutte contre le réchauffement climatique demeure prioritaire. Le vieillissement démographique s’impose aux entreprises qui peinent à trouver de nouveaux collaborateurs. Contraintes budgétaires, contraintes de taux d’intérêt, contraintes écologiques, contraintes démographiques sont autant de défis à relever.

Philippe CREVEL

Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite.

FAQ – Économie de guerre et entreprises françaises

Qu’est-ce que l’économie de guerre et quel est son impact sur les entreprises françaises ?

L’économie de guerre désigne un modèle où l’État oriente massivement ses dépenses vers la défense. Cela a un impact direct sur l’énergie, l’investissement industriel et les chaînes d’approvisionnement.

Comment l’économie de guerre accélère-t-elle la réindustrialisation de la France ?

Les commandes publiques liées à la défense stimulent l’industrie française, soutiennent les PME sous-traitantes et redonnent de la visibilité aux filières stratégiques.

L’économie de guerre représente-t-elle une opportunité pour les start-ups et l’innovation ?

Oui, comme aux États-Unis, les tensions géopolitiques favorisent les investissements en cybersécurité, en intelligence artificielle et dans les technologies duales (civiles et militaires).

Quels secteurs bénéficient le plus de la hausse des dépenses militaires en France ?

Les secteurs de l’aéronautique, de la défense, de l’énergie, de la cybersécurité et des matériaux avancés sont les principaux bénéficiaires de l’effort de réarmement.

Quels risques l’économie de guerre fait-elle peser sur les entreprises ?

Hausse des taux d’intérêt, effet d’éviction de l’épargne, inflation énergétique… L’économie de guerre peut freiner l’accès au financement pour d’autres secteurs économiques.

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