Jamais content ?
La dépendance de la France à la dépense publique (57 % du PIB) et les contradictions du budget 2025 sont au cœur de l’analyse de Philippe Crevel.
Y aura-t-il un budget d’ici la fin de l’année ? Telle est la question existentielle qui occupe les esprits. Les Français, en la matière, ne sont pas à une contradiction près. La menace d’une éventuelle absence de budget s’apparente à une peur millénariste, à une sorte de fin du monde annoncée. Entrepreneurs et ménages seraient pris d’angoisse face à une telle perspective. Mais, dans le même temps, quand un budget se dessine, ces mêmes Français s’y opposent avec vigueur. Ils hurlent contre les hausses d’impôts ou les baisses de dépenses, tout en réclamant davantage de niches fiscales et de subventions. En matière budgétaire, la France a inventé un art subtil budgétaire : contre tout et bien son contraire !
La dépendance à la dépense publique est devenue consubstantielle à la France. Celle-ci représente plus de 57 % du PIB, soit sept points de plus qu’en Allemagne. Aucun autre pays de l’OCDE n’est allé aussi loin dans la socialisation de la création de richesses. Pour autant, une large majorité de la population estime que la qualité des services publics n’est pas au rendez-vous. La France se caractérise par un niveau élevé de prélèvements obligatoires, niveau portant insuffisant pour couvrir l’immensité des dépenses. Ces dernières, comme les impôts qui les financent, pèsent désormais sur la croissance : ils constituent un frein à l’initiative et à la créativité.
D’autres pays européens ont déjà réussi à se passer de budget pendant une ou plusieurs années. Ainsi, en Espagne, faute de majorité à la chambre basse, aucun budget n’a été adopté depuis 2023, sans que cela empêche le pays de caracoler en tête des taux de croissance. La vertueuse Allemagne n’est pas exempte non plus de reproches. Sa loi de finances pour 2025 n’a été adoptée qu’en septembre. Quant à la Belgique, coutumière des crises politiques, elle a dû recourir aux douzièmes provisoires en 2011, 2019, 2020 et encore sur une partie de 2025. Le Portugal, enfin, a vécu sans budget entre janvier et juin 2022 ; il affiche depuis des excédents budgétaires.
A la lumière des exemples étrangers, la crise que traverse la France, inédite depuis le début de la Ve République, devrait être l’occasion d’un salutaire sevrage, d’une rupture avec la dépendance aux dépenses publiques. Pour l’heure, le chemin reste long. L’économie se porterait sans doute mieux avec une moindre ingérence de l’État. À ce titre, il convient de souligner que, malgré l’accumulation des problèmes politiques, économiques et géopolitiques, les entreprises font preuve de résilience. Malgré la remontée du nombre de défaillances, leurs résultats demeurent corrects. La faible croissance de la demande intérieure ne s’accompagne pas, pour l’instant, d’une hausse du chômage. Après plusieurs années de recul de la productivité, celle-ci serait à nouveau en hausse. Selon l’OFCE, entre mi-2024 et mi-2025, la productivité des salariés du secteur marchand non agricole aurait progressé de 1,2 %. Ce retour des gains de productivité est une bonne nouvelle, tant pour la croissance du PIB que pour l’amélioration des rémunérations.
La France, championne européenne de la dépense publique… mais à quel prix ?
Ce système est-il inefficace ? Pas nécessairement. Les niches fiscales ne sont pas qu’un cadeau : elles traduisent des choix politiques et sociaux, qu’il s’agisse de soutenir l’innovation, d’encourager l’emploi à domicile, d’aider les associations ou de préserver le pouvoir d’achat alimentaire. Mais leur accumulation, leur empilement sans cohérence d’ensemble, donne l’image d’une fiscalité française devenue un véritable maquis corse, une usine à gaz, où la lisibilité se perd et où l’équité finit par s’éroder. La suppression des niches fiscales est annoncée chaque année pour être aussitôt abandonnée, car, c’est bien connu, dans la niche se cache un chien méchant… Il est plus facile de créer un nouvel impôt que de réformer ceux qui existent. La France se passionne pour le concours Lépine fiscal, au risque d’en oublier la simplicité et la stabilité, deux vertus pourtant indispensables pour restaurer la confiance des contribuables et renforcer l’attractivité du pays. À force de multiplier les exceptions, on finit par diluer la règle. Le principe du gagnant-gagnant devrait être appliqué : toute suppression d’une niche fiscale devrait donner lieu à un partage des gains entre l’État et les contribuables, afin d’éviter une cristallisation des oppositions.
Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques. Fondateur de la société d’études et de stratégies économiques, Lorello Ecodata, il dirige, par ailleurs, le Cercle de l’Epargne qui est un centre d’études et d’information consacré à l’épargne et à la retraite.
FAQ : Budget 2025 – La France peut-elle se passer de sa dépendance aux dépenses publiques ?
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